jeudi 28 octobre 2010

Les tiroirs à malices - Sophie Fontanel


J'ai toujours une hâte émoustillée lorsque je reçois les réponses des tiroirs à malices. C'est d'abord un plaisir solitaire et jouissif d'être la première à découvrir la face cachée du dressing de mes invitées. Puis une fierté enfantine de partager avec vous. On ne va pas s'inventer des histoires, savoir ce qui se cache dans les armoires des femmes est un lien commun à nous toutes. Ça équivaut presque à regarder par le trou de la serrure, avec le consentement de l'Autre !
Je ne vous la présente plus, je n'ai jamais fait mystère de l'estime que je lui porte. La penderie de Sophie Fontanel est synchrone à ce qu'elle est : pointue sans être fashion, intemporelle et sincère, chic et raffinée, personnelle et enviable... Je vous laisse en compagnie de la vraie Fonelle...

Dans ta famille, l’esprit était placé au-dessus du rapport au corps, mais les belles matières étaient aimées. As-tu découvert la mode très jeune ou est-elle venue à toi plus tard ?
Nous avions la passion des étoffes, peut-être parce qu’elles transcendaient le corps. J’ai aimé les vêtements dès que j’ai compris ce que c’était. Ils me permettaient d’avoir des identités rêvées, par exemple un jean que je cousais tous les matins (j’avais dix ans) autour de mes jambes pour le serrer, et m’en faire un pantalon d’écuyer. Et après j’imaginais qu’au lieu d’aller à l’école , j’allais au haras.


Te souviens-tu quel était le vêtement ou accessoire qui t’a transcendée en vraie femme
La première fois que j’ai chaussé des escarpins. J’ai gardé une passion pour ces escarpins très Belle de jour, avec le talon pas trop haut, le bout pas trop pointu, le chic absolu.

As-tu toujours eu ton propre style ou t’es-tu déguisée pour travailler dans un milieu ou simplement pour plaire ?
J’ai eu des tas de déguisements, par exemple, ma période Francis Huster, où j’étais coiffée comme lui et j’avais les mêmes petites lunettes que lui. Ou bien ma période Almodovar, (période multicolore après avoir vu Talons Aiguilles) où je mettais un pantalon jaune citron avec un caban ciré rouge et des boots orange. Un désastre. Ou bien ma période Jane Birkin, habillée comme elle, sauf que sur moi ça faisait surtout penser au look de Bruno Cremer.


Tu as raconté que, même fauchée, tu t’offrais une belle pièce par an. Ont-elles une saveur particulière, les as-tu conservés ces cadeaux
Oui, j’ai gardé les bijoux, un collier avec des maillons énormes, un bracelet serpent, une manchette en or et je vois que Céline fait la même cette année. J’ai aussi gardé un blaser de soie que je ne porte jamais, mais dont les couleurs me ravissent. J’ai aussi gardé un sac Dior Vintage, qui est comme une relique de la délicatesse d’un temps passé.


Quel rapport as-tu aux vêtements ? Tu les chouchoutes, les conserves ou tu les balances facilement ?
Je donne ce que je ne porte pas, et je balance ce qui est abîmé. J’ai une théorie comme quoi si on ne porte pas un vêtement, c’est qu’il n’est pas à nous. Et une autre théorie qui dit que si un vêtement est inconfortable c’est qu’il faut en faire cadeau à quelqu’un !

Qu’est-ce qui compte le plus dans une tenue ?
La souplesse, le tomber, la nonchalance que ça autorise sinon c’est raté. La capacité du vêtement à vieillir en gagnant en charme. La légèreté du vêtement, je mets ça par dessus tout.

Quelles sont tes fringues fétiches ?
Une combinaison de soie noire, comme une sorte de débardeur un peu long, je mets ça en robe à toutes mes soirées avec un blaser Sonia Rykiel dessus, lui-même souple et léger.

Et tes accessoires favoris ?
Un bonnet avec un pompon, parce que j’ai l’impression de jouer dans Love Story quand je le porte. Des escarpins rayés (en rouge et blanc), parce que j’ai l’impression de jouer dans Les Demoiselles de Rochefort quand je les porte.


En travaillant dans la presse féminine, es-tu influencée ou non, gardes-tu le cap sur ton style sans céder aux sirènes fashion ?
La mode ne m’intéresse que quand elle vient rencontrer mon désir. Mais elle ne crée pas mon désir. Je m’explique : j’ai envie des choses avant qu’elles soient à la mode. J’ai eu envie de camel deux ans avant la mode. Là, j’ai envie de rose pâle, je sens que ça arrive. La mode est mon butler, elle me sert sur un plateau ce dont je rêvais en secret.

As-tu des tocs de l’habillement ?
Je cherche sans fin des chaussures qui ne fassent pas mal aux pieds. C’est terrible ce que les chaussures sont menteuses. Elles te font croire, dans la boutique, qu’elles vont être sympas, et après dès que tu leur as cédé, elles te tuent.

Des vêtements que tu achètes en double ou souvent les mêmes ?
C’est fini, ça. Mais j’ai beaucoup fait. Je peux quand même encore acheter à l’infini des pantalons larges.


Tu aimes t’approprier un vêtement en le coupant, en le personnalisant. Il faut sacrément bien se connaître, avoir la main aisée et surtout être libre dans sa tête et son corps
Il faut savoir coudre. Ma mère m’a appris quand j’étais gosse. Apprendre à coudre, c’est apprendre le côté impeccable qu’on a la capacité de donner au monde.

Quelle a été ta première folie vestimentaire ?
Une jupe de cuir caramel chez Mac Douglas avec mon premier salaire. Ça coûtait une mois de salaire.

La plus grosse ?
Un manteau de cachemire noir à 2500 euros, chaud, ample et si léger, chez Dover Street Market à London. Jamais je n’avoue son prix. Mais lui ne m’a jamais déçu, et ça ça n’a pas de prix.



Et la dernière ?
Un sac Hermes vintage. 350 euros. Mais les autres sac Vintage Hermès sont à 3500 euros.



Tu la trouves comment la mode de cette saison ?
Je la trouve enfin ajustée à la personne. Je n’en pouvais plus de ces filles en noir perchées sur des chaussures pour sembler encore plus minces. Les tons doux m’apaisent.


Y a-t-il eu des époques qui te font encore frissonner ou tu passes très vite à l’actualité modeuse ?
Je suis coincée dans une certaine esthétique des années 70. Rien de baba, et tout de beau-beau. Des vêtements qui allaient avec Robert Redford et Steve Mc Queen.

Après les défilés penses-tu déjà à la saison prochaine ou tu vis le moment présent
Je suis toujours à vouloir la suite. Du coup, je me l’invente et je me la chine.

Tu as des secrets de forme hormis ton canarino et ta gym complétement inventée
Mes secrets de forme sont la sieste (20 minutes, même sans dormir), la chaine TCM et ses films cultes, ne pas me gaver, ne pas boire des choses avec des bulles sauf une gorgée dans le verre des addicts, ne pas fumer, ne pas boire juste pour ne pas m’ennuyer dans une fête, me ménager des heures de solitude, ce genre…

Tu as une combine pour les cheveux, je suis sûre. Ta coupe est simplement...parfaite…
Je n’ai eu que des soucis avec mes cheveux car j’en ai autant qu’un poney shetland et la tentation était grande de sans cesse les couper. Maintenant, je laisse pousser. Je fais couper un peu quelques mèches par le coiffeur de studio sur les prises de vue, pendant que le model déjeune. Ma combine est de laver, peigner, chiffonner un peu avec les doigts, laisser sécher si possible à l’air libre, et brosser matin et soir, étriller est mon nouveau vice… après, ça brille…

As-tu encore et toujours des rêves de possession (sans péjoration) ou tu te sens un peu blasée et fatiguée par ce tournis
Je ne serai jamais blasée. Hier, un ami me disait qu’il s’en ficherait de mourir, et j’ai pensé que moi oh je veux vivre, j’ai eu tellement de peine pour lui qui ne réussit pas à espérer encore et toujours.

23 commentaires:

Zabou a dit…

J'ai adoré le coup de Bruno Cremer ;-)) Je dois dire que ce serait bien mon style aussi ;-)) Et si, nous aussi, on se mettait enfin à appliquer le beau-beau? Ca a l'air si fastoche dit comme ça, et pourtant... C'est quand même dingue que la mode puisse nous faire disserter inlassablement sur les mêmes sujets, sans finalement trouver les réponses... Au fond, la quête du style, c'est un peu la quête de soi: elle ne finit jamais. C'est sans doute pour ça que c'est si bon. Des becs, comme on dit par chez toi!

modebea a dit…

Un entretien que tu as dû savourer... Mon passage préféré : "Apprendre à coudre, c’est apprendre le côté impeccable qu’on a la capacité de donner au monde". La mode n'est pas que frivole et la couture encore moins ! J'aime ça ♡♡♡........... merci à vous deux !

Fanette a dit…

Ah, quand je lis ça, je me dis : mais il suffit d'être soi-même ! Mais il est où, soi-même ?

Balibulle a dit…

Ce que j'aime le plus chez elle, c'est qu'elle redonne toujours ses lettres de noblesse à la mode. Elle ne dévalorise pas cette quête incessante comme on a tendance parfois nous-mêmes à le faire, presque en s'excusant. L'autre jour elle disait sur son blog "Des fois la mode dit le monde qu’on a au fond de nous". Et je crois qu'il n'y a pas plus beau résumé...

isabelle a dit…

Moi aussi le coup de Bruno Cremer! ... Et le poney shetland....
Ah que j'aime les filles qui se moquent d'elles-même!

Ce que j'aime aussi, c'est que Sophie a de la tendresse pour les vêtements comme elle en a pour les gens.

Une fois de plus, ton tiroir à malices m'émerveille.

kathleen a dit…

Wow, le manteau de cachemire noir à 2500 euros !
J'ai déjà du mal à mettre plus de 50€ dans des chaussures^^ Je pense que je ne peux même pas en rêver...

Anonyme a dit…

Je suis une fan absolue de cette fille. Elle est tellement drôle. C'est du bonheur de suivre tous ce qu'elle produit.
Merci pour cet interview.

biz
caro from geneva

Sarah a dit…

Zab : Beau-beau sans être bobo, tout un programme ! C'est ça et c'est ce que la majorité du Monde (genre j'ai tout compris, quoi!) ne saisit pas. La mdoe n'est pas que la mode, la mode est une extension de soi, et ce soi, putain faut le trouver. Et surtout, ne pas afficher à la face des autres, vulgairement, des fringues pour leur prix. mais pour leur âme. Le style, quoi !

Modebea : Ah ! que oui... bidouiller ou trouver une bonne petite couturière, un artisan pour els chaussures et demain, je file chez quleu'un qui travaille le cuir, pour changer la anse de mon Celine.... Tout ça pour dire qu'il ne suffit pas d'acheter...

fanette : Ne pas se perdre en route...pas simple !

Balibulle : Tout est poésie avec elle. Elle voit ce qu'il y a derrière, elle voit ce qui est beau. Dans nos conversations off, elle m'a parlé de l'inspiration. Mias il faut savoir la regarder. La mode, les gens, la vie, rien n'est aigre chez elle.

Isabelle : Elle et toi, sincèrement, et je te le dis comme à une amie, vous feriez un sacré binôme ! il y a, sans que vous ne vous ressembliez franchement, mais il y a une multitude de points communs entre vous, une multitude.

Kathleen : Comment te dire ? Une femme qui a travaillé toute sa vie et de plus qui n'a pas d'enfants ne lèse personne en s'octroyant une folie. Ce n'est qu'à la troisième lecture que j'ai "enregistré" le montant. Je n'y avais pas prêté attention. Chez elle, il y a autre chose derrière le vêtement, une histoire, rien n'est ostentatoire ou m'as-tu vu. Essaie d'outrepasser ce chiffre et de voir que la mode n'est pas une farce qu'on balance pour se prouver qu'on existe. Mais bien, quelqeu chose, comme elle dit qui nous transcende... ;)

Sarah a dit…

Caro : Avec plaisir... attend décembre, il y aura une surprise pour les Suissesses ;) bises from Wallis

M1 a dit…

Tiens tiens, une période Francis Huster? on a échappé de justesse à une période Francis Lalanne ! : )
Délicieuse interview sinon !
Ps : j'ai son livre, mais pas encore lu !

Anaïk a dit…

Très forte dans l'auto-dérision Fonelle, tout est un régal à lire dans ce tiroir à malices, on la sincère et accessible comme une bonne copine, ça me plait, tout comme j'aime ses théories du vêtement.

Flannie a dit…

Ah, qu'est-ce que j'adore lire Sophie ! Il y a une telle âme dans sa penderie que ça donnerait envie de s'y installer sur un cintre :-)

Sarah a dit…

M1 : elle est bien trop à cheval (..) sur le raffiné pour céder à un palefrenier !

Anaïk : suis heureuse d'avoir une mémoire d'éléphant, je retiens tout ce qu'elle a dit et je le garde au chaud !

Flannie : Tu as raison... tellement !

@à ceux qui n'osent laissser de comms :
Je profite que les comms sont sédertés pour vous dire d'oser dire... le ratio entre les visites et les comms est effarant... Pourquoi donc ne pas oser laisser un mot. Je vous avoue, je suis stupéfaite (genre le sourire à la chinoise).

Anonyme a dit…

Joliment démodée Fonelle ! Un jour je l'ai suivie dans la rue, elle marchait comme un boxeur qui part au combat, les épaules rentrées, le pas décidé, je me suis dit quelle énergie ! Sunny Side

Diaen a dit…

Et bien moi, je fais partie de celles (et ceux aussi peut-être!!!) qui n'osent pas laissé de commentaires.
Et pourtant....comment dire : j'aime les intemporels (manteau, boots, sacs...) et j'apprécie la façon dont la mode est abordée sur ce blog.
Enfin, je vais assez souvent en Suisse. Voilà un bien beau pays dans lequel vous avez la chance d'habiter!
Diane

Anonyme a dit…

A peine rentrée de vacances, j'ai tellement aimé lire ce *Tiroir à Malice* que tu rêvais de faire et qui est devenu réalité !
Sophie y est comme on l'imagine, si fine et pleine d'auto dérision, délicieusement humaine !
Quel joli moment vous avez dû passer ensemble !
Gros bisous,
Lili

galliane a dit…

Je crois que c'est ma rubrique préférée !

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup Sophie Fontanel/Fonelle et tu as bien de la chance d'avoir pu l'interviewer. C'est une des rares personnes libres de la mode.

bavardises a dit…

Ce tiroir à malices est exquis, Sophie Fontanel a décidémment cette capacité à sublimer la mode, il ne s'agit plus de simples vétements, mais de costumes que l'on met en scène, d'apparats qui révèlent celui ou celle qui les porte. J'adore sa théorie des "chaussures menteuses"!

Sarah a dit…

Sunny Side : Elle devait être rudement pressée...

Diane : Merci... c'est vrai que j'étais dépitée du peu de réactions (mais pas du ombre de visites...) un mystère parfois ! Merci donc pour ces compliements et d'avoir osé, je sais que ce n'est pas toujours aussi facile que ça en a l'air.

Lili : Un peu tout ça, c'est bien vrai !

Galliane : Et tu sais quoi ? presque à moi aussi....

Anonyme : Libre... sûrement ! Quelle belle vision que je partage aussi.

Bavardises : Oui, ce ne sont pas uniquement des objets ou des choses que l'on dresse pour mettre en avant son statut ou ses goûts ou je ne sais quoi... de la poésie la mode, je l'ai toujours pensé !

fonelle a dit…

Sarah, mon commentaire précédent était pas parti, d'après ce que je vois, j'avais dû faire une mauvaise manip'. On a passé une bonne journée à Paris toutes les deux et j'ai fait l'erreur d'à la fois boire le vin que tu m'as offert et de manger la moitié du chocolat que tu m'as offert. Je pense qu'il ne faut jamais absorber les deux en même temps, en fait, mais quel régggggggalll!
merci pour les bras grand ouverts de ton blog.
je t'embrasse!
Fonellita

Laure a dit…

C'est toujours un plaisir "Les tiroirs à Malices". Et là avec Sophie, comment dire c'est tellement...ELLE est tellement...
Des bisous!

Sarah a dit…

Fonelle : A bras grands ouverts ici et partout ailleurs ;) purée, quelle intuition de ne pas t'avoir amené de la fondue ;)

Laure : Merci pour elle et merci pour "les tiroirs...", ils vont continuer. C'est mon petit plaisir ;)