J'ai toujours une hâte émoustillée lorsque je reçois les réponses des tiroirs à malices. C'est d'abord un plaisir solitaire et jouissif d'être la première à découvrir la face cachée du dressing de mes invitées. Puis une fierté enfantine de partager avec vous. On ne va pas s'inventer des histoires, savoir ce qui se cache dans les armoires des femmes est un lien commun à nous toutes. Ça équivaut presque à regarder par le trou de la serrure, avec le consentement de l'Autre !
Nous avions la passion des étoffes, peut-être parce qu’elles transcendaient le corps. J’ai aimé les vêtements dès que j’ai compris ce que c’était. Ils me permettaient d’avoir des identités rêvées, par exemple un jean que je cousais tous les matins (j’avais dix ans) autour de mes jambes pour le serrer, et m’en faire un pantalon d’écuyer. Et après j’imaginais qu’au lieu d’aller à l’école , j’allais au haras.
Te souviens-tu quel était le vêtement ou accessoire qui t’a transcendée en vraie femme La première fois que j’ai chaussé des escarpins. J’ai gardé une passion pour ces escarpins très Belle de jour, avec le talon pas trop haut, le bout pas trop pointu, le chic absolu.
As-tu toujours eu ton propre style ou t’es-tu déguisée pour travailler dans un milieu ou simplement pour plaire ?
J’ai eu des tas de déguisements, par exemple, ma période Francis Huster, où j’étais coiffée comme lui et j’avais les mêmes petites lunettes que lui. Ou bien ma période Almodovar, (période multicolore après avoir vu Talons Aiguilles) où je mettais un pantalon jaune citron avec un caban ciré rouge et des boots orange. Un désastre. Ou bien ma période Jane Birkin, habillée comme elle, sauf que sur moi ça faisait surtout penser au look de Bruno Cremer.
Tu as raconté que, même fauchée, tu t’offrais une belle pièce par an. Ont-elles une saveur particulière, les as-tu conservés ces cadeaux
Oui, j’ai gardé les bijoux, un collier avec des maillons énormes, un bracelet serpent, une manchette en or et je vois que Céline fait la même cette année. J’ai aussi gardé un blaser de soie que je ne porte jamais, mais dont les couleurs me ravissent. J’ai aussi gardé un sac Dior Vintage, qui est comme une relique de la délicatesse d’un temps passé.
Quel rapport as-tu aux vêtements ? Tu les chouchoutes, les conserves ou tu les balances facilement ?
Je donne ce que je ne porte pas, et je balance ce qui est abîmé. J’ai une théorie comme quoi si on ne porte pas un vêtement, c’est qu’il n’est pas à nous. Et une autre théorie qui dit que si un vêtement est inconfortable c’est qu’il faut en faire cadeau à quelqu’un !
Qu’est-ce qui compte le plus dans une tenue ?
La souplesse, le tomber, la nonchalance que ça autorise sinon c’est raté. La capacité du vêtement à vieillir en gagnant en charme. La légèreté du vêtement, je mets ça par dessus tout.
Quelles sont tes fringues fétiches ?
Une combinaison de soie noire, comme une sorte de débardeur un peu long, je mets ça en robe à toutes mes soirées avec un blaser Sonia Rykiel dessus, lui-même souple et léger.
Et tes accessoires favoris ?
Un bonnet avec un pompon, parce que j’ai l’impression de jouer dans Love Story quand je le porte. Des escarpins rayés (en rouge et blanc), parce que j’ai l’impression de jouer dans Les Demoiselles de Rochefort quand je les porte.
En travaillant dans la presse féminine, es-tu influencée ou non, gardes-tu le cap sur ton style sans céder aux sirènes fashion ? La mode ne m’intéresse que quand elle vient rencontrer mon désir. Mais elle ne crée pas mon désir. Je m’explique : j’ai envie des choses avant qu’elles soient à la mode. J’ai eu envie de camel deux ans avant la mode. Là, j’ai envie de rose pâle, je sens que ça arrive. La mode est mon butler, elle me sert sur un plateau ce dont je rêvais en secret.
As-tu des tocs de l’habillement ?
Je cherche sans fin des chaussures qui ne fassent pas mal aux pieds. C’est terrible ce que les chaussures sont menteuses. Elles te font croire, dans la boutique, qu’elles vont être sympas, et après dès que tu leur as cédé, elles te tuent.
Des vêtements que tu achètes en double ou souvent les mêmes ?
C’est fini, ça. Mais j’ai beaucoup fait. Je peux quand même encore acheter à l’infini des pantalons larges.
Tu aimes t’approprier un vêtement en le coupant, en le personnalisant. Il faut sacrément bien se connaître, avoir la main aisée et surtout être libre dans sa tête et son corps
Il faut savoir coudre. Ma mère m’a appris quand j’étais gosse. Apprendre à coudre, c’est apprendre le côté impeccable qu’on a la capacité de donner au monde.
Quelle a été ta première folie vestimentaire ?
Une jupe de cuir caramel chez Mac Douglas avec mon premier salaire. Ça coûtait une mois de salaire.
La plus grosse ?
Un manteau de cachemire noir à 2500 euros, chaud, ample et si léger, chez Dover Street Market à London. Jamais je n’avoue son prix. Mais lui ne m’a jamais déçu, et ça ça n’a pas de prix.
Et la dernière ?
Un sac Hermes vintage. 350 euros. Mais les autres sac Vintage Hermès sont à 3500 euros.
Tu la trouves comment la mode de cette saison ?
Je la trouve enfin ajustée à la personne. Je n’en pouvais plus de ces filles en noir perchées sur des chaussures pour sembler encore plus minces. Les tons doux m’apaisent.
Y a-t-il eu des époques qui te font encore frissonner ou tu passes très vite à l’actualité modeuse ?
Je suis coincée dans une certaine esthétique des années 70. Rien de baba, et tout de beau-beau. Des vêtements qui allaient avec Robert Redford et Steve Mc Queen.
Après les défilés penses-tu déjà à la saison prochaine ou tu vis le moment présent
Je suis toujours à vouloir la suite. Du coup, je me l’invente et je me la chine.
Tu as des secrets de forme hormis ton canarino et ta gym complétement inventée
Mes secrets de forme sont la sieste (20 minutes, même sans dormir), la chaine TCM et ses films cultes, ne pas me gaver, ne pas boire des choses avec des bulles sauf une gorgée dans le verre des addicts, ne pas fumer, ne pas boire juste pour ne pas m’ennuyer dans une fête, me ménager des heures de solitude, ce genre…
Tu as une combine pour les cheveux, je suis sûre. Ta coupe est simplement...parfaite…
Je n’ai eu que des soucis avec mes cheveux car j’en ai autant qu’un poney shetland et la tentation était grande de sans cesse les couper. Maintenant, je laisse pousser. Je fais couper un peu quelques mèches par le coiffeur de studio sur les prises de vue, pendant que le model déjeune. Ma combine est de laver, peigner, chiffonner un peu avec les doigts, laisser sécher si possible à l’air libre, et brosser matin et soir, étriller est mon nouveau vice… après, ça brille…
As-tu encore et toujours des rêves de possession (sans péjoration) ou tu te sens un peu blasée et fatiguée par ce tournis
Je ne serai jamais blasée. Hier, un ami me disait qu’il s’en ficherait de mourir, et j’ai pensé que moi oh je veux vivre, j’ai eu tellement de peine pour lui qui ne réussit pas à espérer encore et toujours.